Chaque station de ski au Canada a jadis été une petite station communautaire locale. Quelques-unes ont été tellement populaires, ambitieuses et chanceuses, qu’elles sont devenues des destinations de ski provinciales, nationales ou internationales. D’une manière ou d’une autre, le Mont Orford du Québec a accompli tout cela, et bien plus encore, quoique pas exactement dans cet ordre.
Mont Orford, Québec
Une véritable station de ski communautaire
Stations de ski communautaires : Récits du berceau du ski canadien est une série qui examine comment, quand et pourquoi les stations de ski communautaires sont devenues une composante si accueillante et appréciable de l’effervescent patrimoine hivernal canadien. || Directeur créatif : Gordie Bowles | Scénariste : Dave Fonda
Juste ce que le médecin a prescrit
En 1892, lorsque le Dr George Austin Bowen a ouvert son cabinet à Magog, il a été immédiatement frappé par la beauté naturelle époustouflante de la région. En tant qu’homme civique, il a servi a deux reprises comme conseiller municipal. Inspiré par l’initiative des parcs nationaux du président américain Teddy Roosevelt, le bon docteur s’est demandé : « Pourquoi ne pourrions-nous pas faire la même chose ici ? » Dans les années 1920, il a décidé de faire désigner la terre entourant le mont Orford en tant que parc national. Bowen pensait que cette désignation aiderait à conserver la nature, offrirait des loisirs à l’année longue et garantirait le développement économique et la prospérité de Magog ainsi que par extension, des Cantons de l’Est du Québec.
À gauche : Le Dr George Austin Bowen, médecin et conseiller municipal. À droite : Le Dr George Austin Bowen, rangée arrière à gauche, avec sa famille dans un portrait de famille non daté. Images fournies par la Société historique de Magog.
Les meilleurs projets, les pires moments
En 1938, alors que les nuages de la guerre commençaient à s’accumuler sur l’Europe, le gouvernement du Québec a cédé à la bonne opinion du médecin et a officiellement ouvert le parc provincial du Mont Orford. Les plans originaux incluaient un terrain de golf, des courts de tennis, du ski et la conservation de la nature. L’année suivante, des étudiants du programme forestier provincial ont commencé à explorer les trois sommets du Mont Orford pour y aménager des pistes de ski. En 1940, le légendaire Herman « Jackrabbit » Johannsen a été invité à évaluer leur travail et à concevoir de nouvelles pistes. La même année, le Club de ski du Mont Orford a été formé et M. A. W. Ling a été nommé président. En décembre, des équipes de travailleurs ont commencé à couper et défricher les pistes.
Le ski pendant la guerre
Malgré les pénuries de fournitures, de main-d’œuvre et d’outils durant la guerre, le Mont Orford a ouvert le 5 février 1941. Puisqu’il n’y avait pas encore de route d’accès, les skieurs devaient marcher depuis la route 112 puis skier en montée avec leurs lourds vêtements de laine, des bottes en cuir basses et des skis en bois de plus de 210 cm de long. Le fait que tout le monde ait survécu au premier jour est un véritable témoignage de leur désir, de leur force et de leur condition physique générale.
D’ici 1943, le club avait amassé assez de matériaux pour construire un chalet rudimentaire avec un restaurant pleinement opérationnel. Inspirés, certains skieurs ont commencé à apporter des violons et des accordéons pour offrir un peu de divertissement après-ski avant que tout le monde ne rentre chez soi avant le coucher du soleil.
Dans les années 1950, le Mont Orford était LE lieu où skier dans les Cantons de l’Est du Québec. Image fournie par la Société historique de Magog.
L’essor du ski après la guerre
La fermeture du Mont Orford en 1949 fut le calme avant la tempête d’activité à venir. En 1952, Paul Légaré a été nommé président du club. En peu de temps, il a supervisé l’installation d’un télésiège et d’un T-bar sur le Mont Giroux voisin. Ensuite, il a réintroduit la célèbre course de slalom La Classique. Puis, il a ouvert la « 4 km », une piste douce et sinueuse qui descendait du sommet du Mont Orford. Pendant ce temps, Mme Arlène Whittier a organisé la patrouille de ski du Mont Orford et la station a acquis un Bombardier Muskeg pour entretenir la neige et transporter les skieurs jusqu’au sommet.
En 1960, Légaré a embauché la légende autrichienne du ski de compétition, Christian Pravda, pour diriger l’école de ski naissante du Mont Orford. Puis, le 22 janvier 1961, le Mont Orford a ouvert le plus long télésiège du Canada, qui allait de la base à un sommet à 1 676 mètres. Le chalet a ensuite été agrandi pour accueillir jusqu’à 1 250 personnes et un nouveau télésiège a été installé sur le Mont Alfred-Desrochers voisin.
Le Mont Orford accueille la Coupe du Monde
En 1967, les meilleurs skieurs hommes et femmes du monde ont attaqué la légendaire piste des Trois Ruisseaux dans l’espoir de remporter la prestigieuse coupe du Maurier. La légendaire skieuse canadienne Nancy Greene a remporté le trophée de la Coupe du Monde chez les femmes. Au cours des décennies suivantes, le Mont Orford a ouvert ses pistes aux meilleurs skieurs de compétition et de ski acrobatique du monde. En 1994, après avoir levé son interdiction du snowboard, la station a accueilli une compétition de snowboard de trois jours avec des épreuves de slalom, slalom géant et halfpipe. Trois ans plus tard, l’armée de l’air du Québec a organisé un spectaculaire spectacle aérien de nuit. Le groupe freestyle légendaire comprenait trois garçons locaux : Lloyd Langlois et les frères Nicolas et David Fontaine. En tout, cinq membres de l’équipe nationale de ski canadienne sont originaires du Mont Orford (Micah Fontaine et Jean-Marc Rozon étant les deux autres).
Jean-Marc Rozon (à gauche), Lloyd Langlois et Nicolas Fontaine. Photo fournie par La Tribune Numérique.
Une histoire d’innovation
Il est tout aussi remarquable de noter l’inclination du Mont Orford à introduire des innovations majeures. L’adoption judicieuse de la fabrication de neige par la station lui a valu le prestigieux prix Flocon d’Or pour la meilleure couverture neigeuse de la province. Pour entretenir cette neige, les membres du club Claude Langlois et Charles Leblanc ont travaillé en étroite collaboration avec M. Joseph-Armand Bombardier pour remplacer le Muskeg tout-terrain de la station ainsi que tous ses rouleaux, accessoires et inserts par la toute première machine de damage de neige de Bombardier. Ce qui, sans surprise, a également marqué ses débuts mondiaux.
En plus d’avoir inauguré le plus long télésiège du Canada en 1961, le Mont Orford a lancé en 2003 le tout premier « chondola » du pays. Cet hybride télésiège / gondole permettait enfin aux visiteurs handicapés d’accéder au sommet de 850 mètres et de profiter des pistes ou des vues.
Une véritable station communautaire, enfin !
Bien que le Mont Orford ait « officiellement » commencé comme un parc provincial, la station et la zone de base ont été gérées et exploitées par une succession de propriétaires privés. Le dernier d’entre eux, M. André l’Espérance, a installé le chondola innovant ainsi que les yourtes qui ornent le sommet d’Orford. Son rêve ultime était de transformer la base en un village autonome et ouvert toute l’année, avec des magasins, des restaurants, des boutiques et des condos.
Lorsque des écologistes alarmés et des entreprises locales ont effectivement mis fin à son projet, le gouvernement provincial a décidé de privatiser la station et la base. Quatre jours avant de saisir la station de ski et de tout vendre séparément, le Conseil régional municipal (CRM) de Memphrémagog est intervenu. Sept municipalités locales se sont unies pour former une organisation à but non lucratif appelée la Mont-Orford Ski and Golf Corporation. Initialement, un maire de chacune de ces municipalités siégeait au conseil d’administration. Aujourd’hui, des professionnels et des leaders de l’industrie résidant dans la région siègent au conseil responsable de l’avenir et de la prospérité du Mont Orford, de la conservation de la nature et de la fourniture de loisirs toute l’année. Le bon docteur serait ravi. Plus ça change, plus les choses restent pareilles.
Aujourd’hui, des professionnels et des leaders de l’industrie résidant dans le Conseil régional municipal siègent au conseil d’administration responsable de garantir l’avenir du Mont Orford, de conserver la nature et de fournir des loisirs toute l’année. Photo fournie par Mont-Orford Resort.