Table Mountain : 1975

Table Mountain, Saskatchewan

Un modèle d’autosuffisance

Ski Hill: Table Mountain, Saskatchewan
Map: Location
Vertical: 110 m (360 pi)
Snowfall: 2,5 m (100 po)

Gérer une station de ski n’est pas une mince affaire. Il faut constamment faire face à des conditions météorologiques imprévisibles, à des coûts d’assurance croissants, à une infrastructure vieillissante, à des travailleurs temporaires, à une chaîne d’approvisionnement précaire et bien plus encore. Imaginez maintenant que vous devez faire face à tout ça sans disposer d’un dénivelé adéquat, d’un cadre montagneux majestueux ou d’une poudreuse époustouflante. Bienvenue à Table Mountain, en Saskatchewan, où l’autosuffisance n’est pas seulement un concept; c’est la clé du succès.

On trouve des stations de ski communautaires dans chaque province et territoire canadiens, de Whitehorse, au Yukon, à London, en Ontario, et de l’Île-du-Prince-Édouard à l’île de Vancouver.  Stations de ski communautaires : Récits du berceau du ski canadien nous emmène dans les coulisses des stations, pourquoi et quand elles ont vu le jour et comment elles contribuent encore de nos jours à rendre le ski accessible, abordable et amusant pour tout le monde, d’un océan à l’autre. || Directeur Créatif : Gordie Bowles. Écrivain : Dave Fonda

Le pouvoir durable de la prévoyance

En 1964, Irwin MacIntosh, Dr Zacharias et quatre hommes d’affaires fondent le Battlefords Ski Club et commencent à skier dans la gravière McMillan à North Battleford, en Saskatchewan. Leur délire connaît un succès immédiat, et d’autres skieurs et curieux se joignent immédiatement à eux.

Conscient qu’il lui fallait un sommet plus grand et plus prometteur, le club s’installe non loin de là, à Pongua, sur la colline qui porte son nom. Cette dernière s’est rapidement révélée trop petite pour la communauté grandissante de skieurs. Zacharias et MacIntosh s’envolent alors dans l’avion du docteur à la recherche d’une plus belle colline. Ils limitent leur recherche à deux sites et optent finalement pour la plus petite des deux collines pour une raison bien précise : l’eau. Avec une étonnante clairvoyance, ils réalisent que pour prospérer, leur colline, qui n’a pas encore de nom, aura besoin d’eau pour la fabrication de neige artificielle. N’oublions pas que nous sommes en 1969 et que tout skieur occidental digne de ce nom sait que la neige provient de la bonne vieille mère Nature, et non des canons à neige.

Irwin MacIntosh dans les années 1970.

La route est dégagée à Table Mountain.

Des bénévoles infatigables

Dirigé et financé presque entièrement par des bénévoles, le club loue le terrain, achète et déménage l’ancienne gare Grand Trunk de Battleford, la convertit en chalet de ski, aménage des pistes et installe un remonte-pente. Table Mountain ouvre officiellement ses portes le 1er janvier 1970. Le succès est tel que le club doit améliorer la route d’accès, ajouter un second remonte-pente et, pour citer une autre pionnière des Prairies, Joni Mitchell, « put up a parking lot » (aménager un stationnement). Le club accepte également de laisser Hunter’s Sport Shop fournir l’équipement de location.

Selon Lawrence Blouin, directeur général de Table Mountain, la station de ski est gérée comme un parc régional dont les membres du conseil d’administration sont nommés par la ville et la municipalité rurale. « Mais si vous regardez notre clientèle, nous ne sommes plus vraiment une station de ski communautaire; environ 85 à 95 % de nos clients vivent à une heure ou une heure et demie de route. »

« Environ 60 % de notre clientèle est constituée de personnes qui viennent de Saskatoon et d’élèves… tracez une ligne à mi-chemin d’Edmonton, et la majorité de tout ce qui se trouve à l’est de ce point vient chez nous. »

– Lawrence Blouin, directeur général de Table Mountain

Un changement de propriétaire

Malgré la popularité croissante de Table, le club connaît des difficultés financières et demande au gouvernement provincial de faire de la région un parc régional. En mars 1973, le Battlefords Ski Club vend sa colline à la toute nouvelle Table Mountain Regional Park Authority pour 60 000 $. Le club investit alors tout cet argent dans le nouveau parc. Selon Lawrence Blouin, « l’accord initial prévoyait un partage 60/40. Si le club demandait 100 000 $, le gouvernement paierait 60 % et le club 40 % ». L’autre condition était que « la colline soit autosuffisante ».

En collaboration avec la province, le club met en place un programme de compétition et une ligue Nancy Greene. Il installe un système de fabrication de neige sans air, construit des sauts de ski et accueille des centaines de compétiteurs de ski de fond et alpin à l’occasion des Jeux d’hiver de la Saskatchewan en 1974. Plus impressionnant encore, pour chaque dollar investi par le gouvernement, les bénévoles donnent l’équivalent de cinq dollars de leur temps.

Installation du télésiège.

Sélection de l’équipe de ski de la Saskatchewan, printemps 1971.

Mesures spéciales pour temps difficiles

En 1981, le parc connaît à nouveau des difficultés financières. Il demande l’aide de la ville et des municipalités avoisinantes de Battle River et reçoit environ 64 000 $. Selon Lawrence, « ce sont les seuls montants que les municipalités régionales aient jamais versés au parc ».

Pour devenir encore plus autonome, le club a repris l’atelier de location et la concession. Selon Lawrence, « c’est à ce moment-là qu’on a commencé à avoir du succès. On a remboursé notre hypothèque en 1985, mais on recevait encore un peu de financement du gouvernement par l’intermédiaire du système de parcs régionaux. » La fréquentation monte en flèche, avec des skieurs venant d’aussi loin que Saskatoon et à mi-chemin d’Edmonton pour découvrir le nouveau chalet et le télésiège de Table, son abondante neige artificielle et bien plus encore.

« En 1981, quand j’ai commencé à travailler ici en tant que directeur, on m’a dit qu’on devait remettre la place en état, sinon il faudrait fermer boutique. On n’a eu d’autre choix que de se retrousser les manches! »

– Lawrence Blouin, directeur général de Table Mountain

 

Fini, le financement provincial!

Les années 1990 sont une période difficile pour le ski. La fréquentation ne cesse de diminuer, tandis que les coûts d’assurance et d’infrastructure explosent. Les T-bars et les remontées à câble ne sont plus à la mode. Les chaises quadruples à grande vitesse font leur apparition. Et pour compliquer les choses, explique Lawrence, « la province n’était pas en très bonne santé financière, alors elle a coupé dans les parcs régionaux. Elle a dit : « Plus de financement. Vous devez vous débrouiller seuls ». Depuis 1991, on est entièrement autosuffisant, sans aucun financement du gouvernement. »

« La clé », dit Lawrence, « c’est que tous les revenus sont à nous. La vente des billets de remontée, la cafétéria, la location d’équipement, les cours, tous les revenus générés dans le parc régional restent dans le parc. On doit juste établir un budget, couvrir nos dépenses et s’assurer qu’il nous reste assez d’argent pour les imprévus. On essaie de rester aussi compétitif que possible, parce qu’on ne veut pas se faire exclure du marché à cause de prix trop élevés. »

Table Mountain aujourd’hui

Bien que Table ait déjà connu une fréquentation record de 87 000 skieurs, la moyenne annuelle est aujourd’hui d’environ 70 000, selon les conditions météorologiques. La population de la Saskatchewan vieillit. Si les immigrants, souvent originaires d’Asie du Sud-Est, comblent ce vide, Lawrence remarque que la première génération « n’est pas très portée sur le ski ou la planche à neige, mais les deuxième et troisième générations le seront. Nos chiffres remontent lentement. » Et ce n’est pas sans raison.

Table Mountain possède désormais deux chaises quadruples, deux tapis magiques, 5,9 km de pistes, un parc à neige et un parc de glissade sur tubes. Son équipe de ski de compétition est l’une des meilleures de la province. Et avant de railler, rappelez-vous ceci : Le grand champion de ski alpin Jungle Jim Hunter est né et a grandi en Saskatchewan. Il en va de même pour Mark McMorris, triple médaillé olympique et planchiste légendaire. Des questions?

Table Mountain.