Une foule de skieurs avec « Jackrabbit » à la Station Val-David, près du mont Tremblant. Cette foule de skieurs soulignait le 100e anniversaire de « Jackrabbit », vers 1975. Collection du TRSCM.

Le sentier de la Maple Leaf

Le sentier devenu iconique qui a fait connaître les Laurentides

La région des Laurentides, au Québec, est connue comme le « berceau du ski » en Amérique du Nord en raison de la richesse de son histoire et de ses domaines skiables parmi les plus anciens au Canada. Elle doit une grande partie de son succès au sentier de la Maple Leaf et à l’homme qui l’a défriché, le légendaire Herman « Jackrabbit » Smith-Johannsen. Sans la contribution de « Jackrabbit » dans les années 1930, cet incroyable réseau de sentiers de 128 km, qui relie les villages de Labelle à Shawbridge (Prévost) dans les Laurentides, n’existerait pas aujourd’hui. C’est une combinaison de travail acharné, de passion et d’enthousiasme qui a fait en sorte que ce sentier a pu marquer l’économie et la culture de la région pour les années à venir.

« Jackrabbit » Johannsen : l’homme derrière le sentier

Pour Herman « Jackrabbit » Smith-Johannsen, Norvégien de naissance, skier est un mode de vie. Au cours de sa longue vie, ce pionnier du ski s’est taillé un chemin à travers l’épaisse brousse du Québec et du Nord-Est des États-Unis afin de tracer des centaines de kilomètres de sentiers de ski de fond. Il s’agissait d’une affaire de famille alors qu’il travaillait de pair avec son fils, Bob, pour aménager l’extraordinaire sentier de la Maple Leaf qui serpente les abords du chemin de fer du P’tit Train du Nord à travers les Laurentides. Ponctué de magnifiques auberges sur toute sa longueur, le chemin de fer a attiré de nombreux visiteurs dans la région, ce qui en a fait une destination touristique populaire.

« Jackrabbit » Smith-Johannsen. Musée du ski des Laurentides.

Promotional Poster for Canadian Pacific, ski train operator from Montreal to the Laurentian region of southern Quebec.
Promotional Poster for Canadian Pacific, ski train operator from Montreal to the Laurentian region of southern Quebec. Tumblr, Vintage Ski.

Un sentier bien balisé pour ouvrir la voie

L’objectif était de développer un sentier bien balisé et d’attirer les touristes dans la région. Un important lobbying auprès du gouvernement permet de décrocher une subvention de 2 000 $ pour le « développement du ski ». Malheureusement pour « Jackrabbit », la majorité des fonds a servi à financer un événement promotionnel à New York, avec un attelage de chiens de traîneau au Madison Square Gardens, pour promouvoir les centres de villégiature des Laurentides. Il n’est resté qu’un faible montant qui ne suffisait pas à rémunérer les baliseurs de la Maple Leaf. Au final, « Jackrabbit » a dû assumer, seul ou aidé de bénévoles, le balisage du sentier de la Maple Leaf. Il a tracé le sentier de ses rêves avec l’aide de skieurs bénévoles et en entretenant de bonnes relations avec les propriétaires terriens. Le Canadien Pacifique lui a fourni un laissez-passer ferroviaire gratuit et de nombreuses auberges lui ont offert le repas et le gîte à l’occasion. Malgré tout, il a souvent préféré dormir sur le sentier, dans son sac de couchage et à la belle étoile pour qu’il puisse facilement reprendre son chemin le jour suivant là où il s’était arrêté.

« La compagnie de chemin de fer m’a donné carte blanche. Ils ont compris ce que je faisais pour la région. Ensuite, j’ai ouvert des sentiers entre les hôtels où je pouvais toujours m’arrêter pour manger. Je n’ai jamais eu faim! »

– « Jackrabbit » Johannsen. Le premier club de ski au Canada, pionnier du ski canadien.

Herman Smith-Johannsen.
Herman Smith-Johannsen. Collection du TRSCM.

Connecter les gens et les villages

La Maple Leaf a été créée par Jackrabbit et commanditée par la Imperial Tobacco Company dans le but de relier entre elles les communautés les plus isolées des Laurentides, de Labelle à Shawbridge (Prévost). Le sentier a été cartographié dans le Sweet Caporal Skiers’ Book, un guide de poche gratuit pour skier dans les Laurentides.

Title page of the Sweet Caporal Skier's Book by Herman Smith Johannsen. CSHFM Collection.
La couverture du Sweet Caporal Skiers’ Book par Herman Smith-Johannsen. Collection du TRSCM.

Un guide des sentiers pour les touristes

Le Sweet Caporal Skiers’ Book a été publié pour la première fois en 1939 par la Imperial Tobacco Company. Il a été distribué gratuitement à grande échelle à quiconque voulait se le procurer et faisait office de plateforme publicitaire pour la communauté du ski. Il a rapidement été considéré comme le guide de référence des sentiers des Laurentides tout comme il a fait l’unanimité auprès des skieurs. Le guide comprend plusieurs cartes topographiques indiquant les sentiers balisés et non balisés ainsi que les descentes et les montées. Une nouvelle édition de l’ouvrage a été publiée chaque année avec les cartes et les informations les plus récentes jusqu’en 1949, avec pour seule interruption la Seconde Guerre mondiale. « Jackrabbit » et sa famille sont restés impliqués dans ce projet tout au long du processus.

A square metal trail marker from the historic Maple Leaf Trail.
Une balise métallique de forme carrée de l’historique sentier de la Maple Leaf. Collection TRSCM.

Les célèbres balises du sentier de la Maple Leaf

Les célèbres balises étaient peintes en rouge vif avec une feuille vert foncé et étaient clouées aux arbres tout au long du réseau de sentiers. Leur présence sur le sentier guidait les skieurs sur le bon chemin en suivant les traces de « Jackrabbit » lui-même.

 

Inside ski train, 1926
L’intérieur du train de ski, 1926. Collection du TRSCM.

Le « Train des neiges » des Laurentides

La pratique du ski a atteint le sommet de sa popularité dans les années 1920. Dès 1927, le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique (CP) commencent à libérer des trains avec pour seul objectif d’amener les skieurs enthousiastes de Montréal vers les Laurentides. La ligne de chemin de fer, nommée Le P’tit Train du Nord, deviendra connue sous le nom de « Train des neiges ». Ce flot de touristes a contribué à la croissance économique et par le fait même au développement de diverses industries, dont celle du tourisme, dans les Laurentides. Au cours de l’hiver 1938-1939, les trains des neiges transportaient environ 112 000 passagers dans 300 trains.

« Le train passager Le P’tit Train du Nord était une expérience en soi : beaucoup d’anglophones de Westmount, en particulier des étudiants de McGill. Je me souviens du train matinal qui partait aux petites heures du dimanche matin. C’était un véritable carnaval! Parfois quelqu’un se mettait à jouer du violon ou de l’accordéon. Les gens dansaient en file d’un wagon à l’autre. »

– Témoignage d’un cheminot anonyme (Allard 2017, p. 173)

Map of the Maple Leaf Trail in the Sweet Caporal Skier's Book
Une carte du sentier de la Maple Leaf indiquant les sections toujours existantes du sentier. Collection du TRSCM.

Les sentiers patrimoniaux de ski menacés

Alors que les routes sont devenues de plus en plus courantes avec le développement de la région, l’urbanisation a poursuivi son étalement et l’achalandage routier n’a cessé d’augmenter. Ce faisant, l’engouement pour le train a commencé à ralentir. Aujourd’hui, les sentiers de ski qui ont fait la renommée des Laurentides, y compris la fameuse Maple Leaf, menacent de disparaître puisqu’il n’est plus possible de skier d’une ville à l’autre sur un sentier ininterrompu.

Stéphane Martin, Brian Lambert et Sharon Braverman, part of the committee for the Jackrabbit Fund.
Stéphane Martin, Brian Lambert et Sharon Braverman font partie du comité pour le Fonds Jackrabbit. Photo : Sandra Mathieu.

Restaurer l’iconique sentier de la Maple Leaf

Bien qu’il ne soit plus possible de skier d’un village à l’autre, la communauté du ski travaille fort pour restaurer ce sentier. Ces passionnés tentent de retracer le plus fidèlement possible l’emplacement initial du sentier et visent à raviver l’esprit qu’il incarnait à ses débuts. En partant de pistes existantes, telles que la Western, les locaux tentent de rétablir le lien continu entre les villages comme à l’époque de « Jackrabbit ». 

« Mon grand-père, Alexis, a fabriqué les skis de pratiquement tout le monde qui skiait ici à partir des années 1920 jusqu’aux années 1940. Mon premier souvenir est d’avoir skié avec lui lorsque j’avais environ quatre ou cinq ans et c’est pourquoi ce projet me tient autant à cœur. »

– François Gohier, bénévole. Éco-corridors laurentiens.

Les anciennes et nouvelles versions des balises de la Maple Leaf. Source : « L’ADN du plein air dans les Laurentides ».

Apprenez-en plus

« L’héritage de Jackrabbit en péril », Simon Diotte, l’Actualité,
13 décembre 2013.

The Legendary Jackrabbit Johannsen d’Alice Johannsen,
1993, publié par McGill-Queen’s University Press, 312 p.

Maple Leaf Trail Marker – 1930s, de Joseph Graham, The
Identity of English-Speaking Quebec in 100 objects.

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