La Coupe Québec-Kandahar

Les histoires derrière la plus grande course de ski du Canada

Name: Arnold Lunn, Herman « Jackrabbit » Smith-Johannsen, capitaine Alan H. d’Egville, Guy Gagnon, George Jost, Patricia Paré, Bill Irwin, Bob Richardson, Scott Henderson, Peter Monod, Peter Duncan, Diane Culver, Betsy Clifford, Geneviève Simard, Mikaela Tommy, Roni Remme... et bien d’autres encore
Affiliated Discipline(s): Ski alpin
Hometown: Mont-Tremblant (Québec)

La « Coupe Québec-Kandahar est la toute première compétition de ski alpin en sol canadien. En 1931, le célèbre club de ski Kandahar basé à Mürren, en Suisse, a remis le trophée d’argent à l’Association canadienne de ski amateur. Voici les secrets de sa création et les histoires qui ont consolidé sa place dans l’histoire du ski.

Un récit de Dave Fonda, pour le Temple de la renommée du ski canadien et Musée

D’où vient son nom?

De tous les noms associés au ski alpin, le « plus étonnant est peut-être « Kandahar ». Qu’est-ce qu’une ville de l’Afghanistan ravagée par la guerre a à voir avec le ski alpin? En fait, beaucoup. Le 11 janvier 1911, un groupe de skieurs britanniques téméraires a organisé la première descente au monde à Montana-sur-Sierre, en Suisse. Ils avaient deux objectifs : 1. Divertir les curieux spectateurs qui se sont rassemblés pour assister à ce nouveau sport téméraire. 2. Déterminer qui était l’homme le plus rapide sur la montagne de ski, en cette journée qui a marqué l’histoire.

Pour présenter cette occasion avec toute la dignité et le décorum qu’elle méritait, les organisateurs ont approché le baron Roberts de Kandahar, un maréchal britannique. Le célèbre aventurier britannique et héros de la Seconde Guerre anglo-afghane avait gagné son titre après avoir libéré Kandahar de l’armée afghane d’Ayub Khan en 1880. Le baron, qui était un chic type, a donné son nom distingué au splendide trophée remis au vainqueur. En nommant le trophée la Roberts of Kandahar Challenge Cup, il a ainsi veillé à ce que le nom « Kandahar » soit pour toujours associé aux compétitions de ski alpin. 

Un tableau de 1906 du baron Roberts, maréchal britannique.

Sir Arnold Lunn. Collection du TRSCM.

Les premières courses de slalom

Arnold Lunn était le fils d’un agent de voyage britannique prospère qui s’est spécialisé dans la promotion des vacances dans les Alpes suisses. Mais contrairement à son père, Henry, Arnold était un skieur alpin passionné. Passionné à un point tel qu’il a créé une toute nouvelle épreuve de ski : le slalom. Au lieu de descendre la colline à toute vitesse, les coureurs de slalom enchaînent les virages à travers une série de piquets espacés ou de « portes ». Pour sir Arnold, qui avait l’œil avisé, peu de choses étaient aussi élégantes qu’un skieur traçant des arcs gracieux dans la neige.

En 1927, alors qu’il rendait visite à son cher ami, la légende autrichienne du ski Hannes Schneider, il a organisé la toute première course de slalom de l’histoire. Les compétiteurs étaient tous des écoliers de la région. Le prix était une coupe banale dont avait fait don Arnold. La course a fait un tel tabac que Schneider a suggéré de tenir une épreuve combinée de slalom et de descente pour les adultes l’année suivante. Arnold s’est ensuite adressé à son vieil ami Sir Robert de Kandahar et lui a demandé de prêter une fois de plus son nom à la cause. Le baron a ainsi donné naissance à la Coupe Arlberg-Kandahar.

La première course Arlberg-Kandahar

La première course Arlberg-Kandahar a eu lieu à St. Anton, en Autriche en 1928. Peu de temps après, une deuxième course a été organisée à Mürren, en Suisse. Pour gagner, les compétiteurs devaient faire une descente et deux manches de slalom. Le coureur qui inscrit le meilleur temps « combiné » après les trois descentes remporte les honneurs.

Le « Kandahar » ou le « combiné » était si prisé des compétiteurs et des spectateurs qu’il est rapidement devenu le plus prestigieux événement de ski alpin de la planète. En 1936, l’épreuve a fait ses débuts olympiques aux Jeux d’hiver de Garmisch-Partenkirchen, faisant ainsi découvrir les courses de ski alpin au monde entier. Les courses de Kandahar deviennent par la suite des événements phares en Autriche, au Canada, en France, en Allemagne, en Italie, aux États-Unis et en Écosse.

Trophée Québec-Kandahar, vers 1940. Collection du TRSCM.

La naissance de la Coupe Québec-Kandahar

Entre-temps, en 1929, le capitaine Alan H. d’Egville, cofondateur et vice-président du club de ski Kandahar, a été nommé secrétaire du magnifique Seigniory Club à Montebello, au Québec. Toujours désireux de promouvoir le ski dans tout l’Empire, le capitaine a demandé au K Club de « remettre un trophée à l’Association canadienne de ski amateur pour la tenue annuelle d’un combiné slalom-descente ». Deux ans plus tard, le club a répondu à sa demande, mais à une seule condition : la coupe ne pouvait être décernée qu’à un véritable champion du Kandahar (c’est-à-dire du combiné). En 1931, au Canada, ce n’était pas une demande banale.

L’Association canadienne de ski amateur s’est ensuite tournée vers Herman « Jackrabbit » Smith-Johanssen qui a déclaré que le club de ski Red Birds récemment mis sur pied était le seul club de ski de l’Association canadienne de ski amateur intéressé à organiser un tel événement. Naturellement, d’Egville souhaitait que Montebello accueille la course. Malheureusement, il manquait tout ce qui s’apparentait à une montagne convenable. Jackrabbit et les Red Birds ont insisté pour tenir la course au mont Tremblant, qui avait le dénivelé vertical, mais ni les routes ni les voies de chemin de fer pour y accéder. Heureusement pour tout le monde, Jackrabbit est parvenu à ses fins.

« Ce fut un essai splendide dans une contrée canadienne typique. » – Herman Jackrabbit Smith-Johanssen

Inauguration de la piste Kandahar

Croyant fermement au potentiel de Tremblant comme endroit pour pratiquer le ski alpin, Jackrabbit a fait connaître la montagne à Neil Stewart, Stirling Maxwell et Harry Pangman des Red Birds en 1930. En dévalant la montagne, Jackrabbit contrôlait sa vitesse en plantant ses bâtons et en attrapant des branches et de petits arbres. Les Red Birds suivaient, en glissant, chutant et dégringolant avant de s’exclamer que c’était la descente la plus ahurissante de toute leur vie.

Le club de ski Red Birds y fit sa première course en 1931, alors que Jackrabbit accompagna cinq membres du club jusqu’au sommet. Vingt minutes après que Johannsen disparut dans les bois enchevêtrés… ils se sont lancés, chacun traçant son propre parcours jusqu’au pied de la montagne. C’était, dans tous les sens du terme, l’ultime course dans les bois au Canada.

Pour préparer la « piste » en vue de la première Coupe Québec-Kandahar, les Red Birds ont apporté des pelles, des haches et des pioches. Comme l’a dit Guy Gagnon, membre des Red Birds, « qualifier de « piste de ski » le terrain sur lequel la course a eu lieu est une appellation erronée. La première section avait une pente d’environ trente degrés recouverte d’épinettes et de baumes, de rochers et de chablis ».


Herman Jackrabbit Smith-Johanssen. Collection du TRSCM.

The complete McGill Ski Team c.1931-32
L’équipe de ski de McGill, y compris les vainqueurs et les chefs d’équipe, 1931-1932. [G à D] : Jack Houghton, Frank Campbell, George Jost, Fred Taylor, Alex Kieller (président du Ski Club of Great Britain), Stirling Maxwell, Harry Pangman, Bill Ball, Walter Dorken, Peter Renold.

La première course Québec-Kandahar

Le 13 mars 1932, 21 skieurs des clubs de ski Red Birds, Marabous, McGill Winter Outing, de Montréal et de Toronto, se sont donné rendez-vous au sommet de la Kandahar fraîchement « défrichée » au Mont-Tremblant. Ils étaient arrivés à la gare du lac Mercier et avaient skié jusqu’au Manoir Pinoteau la veille. Le jour de la course, ils ont d’abord dû marcher jusqu’à la montagne qui tremble. Ils ont ensuite contourné la montagne sur trois kilomètres pour rejoindre la porte de départ, afin d’étudier le parcours et se préparer en vue de leurs descentes téméraires. 

Une fois la course lancée, le parcours s’est rapidement retrouvé jonché de branches cassées, de corps meurtris et de « pièces d’équipement perdues ou brisées ». Le fait que personne ne se soit cassé une jambe ce jour-là témoigne des mérites de la jeunesse, de la neige naturelle, des skis lents et de l’excellente forme physique des skieurs. L’épreuve de slalom, fort heureusement, s’est déroulée sur une autre montagne à proximité. Après trois descentes, conformément aux règles rigoureuses du Kandahar, George Jost des Red Birds de McGill a été sacré champion.

Les premières années

Vers le milieu des années 1930, le mot s’était répandu dans tout le milieu du ski que la Québec-Kandahar était la véritable affaire. En 1937, le Suisse Arnold Kaech est devenu le premier de nombreux Européens à traverser l’océan et à relever le défi de la coupe tant convoitée. Deux ans plus tard, les organisateurs de courses ont rompu avec la tradition et ont invité les femmes à y participer. Cette année-là, Pat (c’est-à-dire Patricia) Paré battit à plate couture quinze des coureurs masculins.

Au cours des premières années, le mont Tremblant est tombé entre les mains du richissime Joe Ryan. Sous sa vision et sa direction, la piste Kandahar a été correctement défrichée et dégagée. Une fois terminée, la piste avait un dénivelé vertical de 670 mètres, une longueur de 3,3 kilomètres et une largeur minimale de 7,62 mètres. 

Jackrabbit and members of the Red Birds Ski Club-1930
Jackrabbit et des membres du club de ski Red Birds -1930. Collection du TRSCM.

Henri Oreiller, de la France, sur la couverture du LIFE Magazine. Oreiller a participé à la Coupe Québec-Kandahar.

Les belles années

Après la Seconde Guerre mondiale, la Coupe Québec-Kandahar est devenue l’un des sept « combinés classiques » avec Wengen et Mürren, en Suisse, St. Anton en Autriche, Chamonix en France, Garmisch-Partenkirchen en Allemagne et Sestriere, en Italie. En 1948, le mont Tremblant a été l’hôte de la première course féminine officielle Québec-Kandahar. Cette année-là, une jeune fille locale du nom de Lucile Wheeler (ses parents possédaient l’auberge Gray Rocks à proximité), se classe deuxième derrière Lucienne Couttet-Schmidt, la championne de ski française en titre. 

La course Québec-Kandahar a également commencé à attirer des commanditaires. En 1949, la brasserie Molson a couvert les dépenses de l’équipe nationale de ski française lorsqu’elle est venue participer à la compétition. Jusqu’au début des années 1980, plusieurs des plus grands noms du milieu du ski ont bravé le froid mordant de Tremblant pour participer à la Coupe Québec-Kandahar. On pense entre autres à Henri Oreiller, Emile Alais, Guy Perillat et Leo Lacroix de la France; Tom Corcoran, Les Streeter, Marvin Moriarty et Tiger Shaw des États-Unis; et Bill Irwin, Bob Richardson, Scott Henderson et Peter Monod du Canada. Et ce n’est que la liste des participants masculins.

Enfin, les femmes ont pu avoir leur propre coupe

Bien que les femmes aient été invitées à participer pour la première fois à la course Québec-Kandahar en 1939, elles ont dû attendre jusqu’en 1948 pour avoir leur course officielle. Plus étonnant encore, les femmes n’ont obtenu leur propre coupe qu’en 1963. Nommée d’après le fils du fondateur de Tremblant Joe Bondurant Ryan, la première Coupe Peter Ryan a été remportée par l’unique Nancy Greene du Canada. Nancy « Tiger » de Rossland en Colombie-Britannique s’est emparé de la Coupe en 1964 puis en 1967. Nancy détient toujours le record du plus grand nombre de victoires à la Coupe Ryan (Québec-Kandahar).

Parmi les autres championnes canadiennes de la Coupe Ryan, mentionnons Diane Culver, Betsy Clifford, Geneviève Simard, Mikaela Tommy et Roni Remmie. On ne peut que se demander comment les premières participantes à la QK, comme les jumelles Wurtele, Rhona et Rhoda, ou Anne Heggtveit, s’en seraient tirées si elles avaient affronté d’autres femmes à la Coupe Ryan au lieu de concourir dans une formule mixte à la course Québec-Kandahar.

Nancy Greene, aux Jeux olympiques d’hiver de 1968 à Grenoble, en France, a remporté la Coupe Québec-Kandahar à trois reprises avant 1968. Collection du TRSCM.

L’influence de la Coupe Québec-Kandahar sur le ski

La liste des gagnants de la Coupe Québec-Kandahar est un véritable répertoire des grosses pointures de l’industrie canadienne du ski. Voir la liste complète ICI.

Comme son père, champion en 1938, Louis Cochand a fait beaucoup pour le milieu du ski, l’enseignement du ski et le tourisme d’hiver au Québec. Dans les années 1950, la Vallée Cochand était vraiment l’endroit où skier dans les Laurentides alors en plein essor. Bill Irwin, champion de la Coupe en 1947 et futur Olympien, est l’un des sept Irwin membres de l’équipe nationale de ski du Canada et le père des Crazy Canucks, Dave et Danny. Bill possédait et exploitait également le domaine skiable de Loch Lomond à Thunder Bay. Champion en 1953, Bob Richardson, a été le premier homme à skier sur ce qui allait devenir Whistler-Blackcomb. Il a dévalé la montagne pour montrer au premier ministre Bennett de la Colombie-Britannique que la région avait du potentiel.

D’autres lauréats de la Coupe Québec-Kandahar, dont Art Tommy de Tommy Sports à Ottawa, Les Streeter de Streeter & Quarles aux États-Unis et Peter Monod de Monod Sports à Banff, ont fondé certaines des boutiques de ski les plus connues et les plus appréciées du pays.

En partageant leur passion et leur expertise, ces skieurs et leurs frères de la Coupe Québec-Kandahar ont contribué à légitimiser et rehausser le statut du ski comme « autre » sport d’hiver au Canada.

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