À gauche : Jozo Weider et Bill Skelton se serrent la main sous le regard d'Ernie McCulloch, vers 1969. Blue Mountain à 75 ans. Collection du TRSCM.

Performance sur pente raide

Petite verticale, grands résultats : En Ontario, une crête de seulement 230 metres de hauteur a fait naître de nombreux champions canadiens

Name: Jozo Weider, Ian “Buck” Rogers, Judy Crawford, Diana Gibson, Steve Podborski, Todd Brooker, Laurie Graham, Karen Stemmle, Brian Stemmle, Aly Nullmeyer, Larisa Yurkiw, Erin Mielzynski, Candace Crawford, Jack Crawford
Affiliated Discipline(s): Alpine

Les spécialistes canadiens en marketing les appellent Blue Mountains, mais pour les habitants de la région, elles sont connues comme sous le nom d’escarpement – une crête surplombant la baie Georgienne, un monument géologique du sud de l’Ontario d’un dénivelé de 230 metres et une bande de quatre kilomètres de pistes de ski abruptes qui ont vu naître certains des plus grands skieurs du monde : le médaillé de bronze des Jeux olympiques de 1980 Steve Podborski, le quadruple Olympien Brian Stemmle, le triple vainqueur en Coupe du monde de descente Todd Brooker et la sextuple championne en Coupe du monde Laurie Graham. Bon nombre des meilleurs skieurs canadiens ont passé leurs hivers le long de cette crête, empruntant le t-bar, valsant à travers les portes et dévalant les chutes glacées.

Cet article a été rédigé par la chroniqueuse de ski Lori Knowles, dans le cadre du projet d’écriture de l’histoire du ski canadien, financé par la Fondation Chawkers du Canada par le biais d’une subvention au Musée canadien du ski. Pour lire le récit original, cliquez ICI.

L’appel du renard

Tout a commencé au début du 20e siècle avec un groupe d’intrépides hommes et femmes chaussés de bottes lacées et vêtus de gabardine. Voyant le potentiel d’un escarpement enneigé à 160 kilomètres au nord de Toronto, près de Collingwood, les clubs de ski de Toronto et de Blue Mountain sautent sur l’occasion. Dans les années 1920 et 1930, ils aménagent des tremplins et des pistes. On raconte dans les livres d’histoire qu’une trompette de chasse au renard attirait les skieurs, qui étaient ensuite transportés sur les pistes par des traîneaux à chevaux. Les pionniers transforment les fermettes en club-house et utilisent de vieux moteurs Buick pour alimenter la remontée. En 1935, ils embauchent Fritz Loosli, un immigrant suisse, pour diriger leurs activités. Son dispositif ingénieux, composé d’un traîneau et d’un câble, permet de hisser neuf personnes à la fois sur l’escarpement. Cinq ans plus tard, Jackrabbit Johannsen reçoit la rondelette somme de 100 $ pour arpenter l’escarpement et élaborer un plan de développement.

Georgian Peaks, vers 1960. 

Jozo Weider ski instructing in Quebec, 1940, just prior to acquiring Blue Mountain Resort. Photo courtesy of BMR.

Jozo Weider enseignant le ski au Québec, en 1940, juste avant d’acquérir Blue Mountain Resort. Photo courtoisie de BMR.

L’effet Jozo

Puis, en 1940, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) se met de la partie. On met en service un train spécial qui quitte la gare Union de Toronto tous les dimanches d’hiver pour arriver à Collingwood à 11 heures. Maurice Margesson ouvre un magasin de ski dans un wagon à bagages pour proposer la dernière mode : lederhosen, tricots de ski à motif de flocons, tweeds fuselés. Bien entendu, la compétition de ski prospère. Des branches ramassées dans la « brousse » canadienne servent de piquets de slalom, et les descentes serpentent dangereusement à travers les feuillus dénudés. Jozo Weider, skieur slovaque déterminé, ingénieux et charmant, débarque en 1941. Sa ténacité dans la construction de Blue Mountain porte ses fruits. Au cours des deux décennies suivantes, l’escarpement se garnira de domaines skiables lucratifs, dont un public : Blue Mountain; trois privés : Osler Bluff, Craigleith et Alpine, sans oublier Georgian Peaks, fondée en 1960 par l’avocat torontois Ian « Buck » Rogers, et exploitée à la fois comme installation publique et privée.

Tout a commencé au début du 20e siècle avec un groupe d’intrépides hommes et femmes chaussés de bottes lacées et vêtus de gabardine. Voyant le potentiel d’un escarpement enneigé à 160 kilomètres au nord de Toronto, près de Collingwood, les clubs de ski de Toronto et de Blue Mountain sautent sur l’occasion. Dans les années 1920 et 1930, ils aménagent des tremplins et des pistes. On raconte dans les livres d’histoire qu’une trompette de chasse au renard attirait les skieurs, qui étaient ensuite transportés sur les pistes par des traîneaux à chevaux. Les pionniers transforment les fermettes en club-house et utilisent de vieux moteurs Buick pour alimenter la remontée. En 1935, ils embauchent Fritz Loosli, un immigrant suisse, pour diriger leurs activités. Son dispositif ingénieux, composé d’un traîneau et d’un câble, permet de hisser neuf personnes à la fois sur l’escarpement. Cinq ans plus tard, Jackrabbit Johannsen reçoit la rondelette somme de 100 $ pour arpenter l’escarpement et élaborer un plan de développement.

Judy Crawford : Danser parmi les étoiles

Avec ses 10 000 spectateurs et une couverture médiatique dans le New York Times, des compétitions comme les courses Bee Hive – offrant des prix en argent commandités par le sirop de maïs doré Bee Hive – suscitent l’intérêt des participants et popularisent le ski de compétition. De nombreuses histoires à succès canadiennes suivront : les enfants de l’escarpement, avec leurs grandes tuques, leurs vestes bouffantes et leurs pantalons de course serrés. Parmi les premiers, Graham Hess, originaire de Craigleith, est sélectionné dans l’équipe nationale de ski en 1964, à l’âge de 14 ans. Puis en 1969, Diana Gibson, de Georgian Peaks, termine troisième (combiné) aux Championnats alpins nationaux des États-Unis. Mais le plus grand exploit de l’époque sur l’escarpement est sans doute celui de la skieuse Judy Crawford, de Georgian Peaks, qui se classe quatrième en slalom féminin aux Jeux olympiques d’hiver de Sapporo en 1972, avant de se hisser à 23 reprises dans le top 10 en Coupe du monde la saison suivante. L’année 1973 est effectivement mémorable pour les coureurs de l’escarpement. Au milieu de l’hiver, le 100s Grand Prix de Bob Beattie débarque dans le sud de l’Ontario; un circuit professionnel commandité par Benson & Hedges, offrant 400 000 $ de prix et mettant en vedette de grands noms tels que Jean-Claude Killy et Vladimir « Spider » Sabich, accompagné de la vedette de cinéma Claudine Longet.

Judy Crawford

Judy Crawford a participé à des épreuves de Coupe du monde de 1969 à 1973, où elle a terminé 23 fois dans le top 10, incluant une troisième place à Grindelwald en 1973. Collection TRSCM.

Todd Brooker

Todd Brooker. Courtesy Alpine Canada Alpin.

Un terrain fertile pour les Crazy Canucks

À cette époque, le coureur de Craigleith, Steve Podborski, déploie ses ailes. « Pod », accompagné de ses compatriotes des Crazy Canucks Ken Read, Dave Irwin et Dave Murray, sillonne l’Europe à la fin des années 70 et au début des années 80. En 1980 à Lake Placid, Podborski devient le premier Nord-Américain à remporter une médaille olympique en descente, une médaille de bronze; puis, en 1982, il est le premier Nord-Américain à être couronné champion de la Coupe du monde de descente. (Pour en savoir plus sur les Crazy Canucks, voir Les Crazy Canucks – Les dessous de l’histoire). Todd Brooker, un camarade du Toronto Ski Club de Blue Mountain, rejoint Pod au sein des Crazy Canucks. Parmi les nombreuses victoires de Brooker, la plus spectaculaire est sans contredit sa victoire en Coupe du monde sur le Hahnenkamm de Kitzbühel en 1983. Brooker attribue une grande partie de son succès à la formation reçue au sein des clubs sur l’escarpement.

« Skier sur l’escarpement quand on est enfant, puis se rendre jusqu’aux Jeux olympiques, c’est un peu comme jouer au soccer avec un ballon fait de guenilles dans un trou perdu et se frayer un chemin jusqu’à la Coupe du monde de soccer. C’est peu probable, mais ça confirme aussi que la base du sport c’est le jeu, et qu’on peut jouer avec les meilleurs le long de l’escarpement. » – Steve Podborski

Des champions émergent

Parce qu’il estime qu’ils ont une plus vaste expérience, le TSC recrute les meilleurs entraîneurs européens, comme l’Autrichien Rudi Hiegelsberger. Rudi ne cessait d’évoquer les célèbres coureurs européens de Coupe du monde, les sites de Coupe du monde, les différents parcours; il regorge d’histoires fascinantes.

Ensuite vient Laurie Graham, d’Osler Bluff, l’une des descendeuses les plus constantes que le Canada n’ait jamais connues. Au cours d’une carrière qui s’étend de 1979 à 1988, elle remporte cinq Coupes du monde de descente et signe la toute première victoire en super-G de la Coupe du monde lorsque la discipline a été ajoutée au circuit. Dans les années 1980, Karen Stemmle, de Georgian Peaks, se hisse à plusieurs reprises parmi les cinq premiers en Coupe du monde de descente. Sur une période de 14 ans dans les années 80 et 90, son frère, Brian Stemmle, fait partie de l’équipe nationale du Canada et participe à 93 Coupes du monde et à quatre Jeux olympiques : Calgary, Albertville, Lillehammer et Nagano.

Laurie Graham at Husky World Cup Downhill event at Nakiska (Mt. Allan), Alberta, on March 7, 1987.

Laurie Graham à l’épreuve de descente de la Coupe du monde Husky à Nakiska, en Alberta, le 7 mars 1987. Photo courtoisie d’Alpine Canada Alpin / Alec Pytlowany.

Erin Mielzynski en action en Coupe du monde de slalom à Meribel, France, en 2022. (CAN). Photo : Alpine Canada/GEPA.

L’évolution de l’escarpement

La liste des champions issus de l’escarpement dans les années 2000 est longue. On y retrouve Larisa Yurkiw, Erin Mielzynski, Candace Crawford et Ali Nullmeyer de Georgian Peaks, Roni (Veronica) Remme d’Alpine et Declan McCormack d’Osler Bluff. Des dizaines de coureurs de l’escarpement ont poursuivi leur carrière de ski à Dartmouth, Middlebury, Utah, Colorado et ailleurs. Jack, le neveu de Judy Crawford, également originaire des Peaks, a remporté la médaille de bronze du combiné aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin en 2022, puis l’or en super-G aux Championnats du monde de ski alpin en 2023.

On ignore à quel point la liste continuera de s’allonger, mais une chose est sûre : les succès qui ont pris naissance sur l’escarpement sont la preuve qu’il n’est pas nécessaire de skier sur de prestigieux sommets et de posséder des racines autrichiennes pour gagner. Ce dont les athlètes ont besoin, c’est de neige, de quelques héros et d’une communauté – oh, et d’une piste, même aussi courte que 230 metres.

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